À propos du spectacle

Comment parler de la solitude et comment faire sens de cet état, de ce sentiment ? C'est le défi du personnage de Voici mon cœur, mais c'est aussi un défi artistique pour nous, créateurs de la pièce. D'abord dans l'écriture, il a fallu trouver un langage à la fois intime et universel, trouver la bonne adresse au public, comment l'inclure dans cette réflexion pour qu'elle puisse résonner pour les spectateurs.

 

Nous avions envie d'aborder cette thématique sous un angle existentiel, sans pour autant en faire un sujet sombre et lourd. Nous avons travaillé le texte de manière à jongler entre la profondeur des questions que se pose le personnage, et des temps de respiration et d'humour, de vitalité, en lien constant avec le public. A ce titre, les deux sorties de résidence qui ont jalonné la création du projet ont été très enrichissantes.

 

Nous avons également choisi d'offrir à ce personnage des portes d'entrée originales et multiples dans cette réflexion autour de la solitude. Ce personnage, que nous appelons Alfonsina (bien que son nom ne soit jamais évoqué dans le texte), est une savante. Elle sait plein de choses, elle aime comprendre. Elle le dit elle-même, sa tête c'est une forêt incroyable. Alors, elle utilise tout ce savoir pour comprendre ce qui lui arrive, pourquoi ça lui arrive, comment tout ça fonctionne. Elle en appelle à la science, à la neurologie, donc à la chimie du cerveau, des hormones, pour comprendre comment ça marche l'amour et pourquoi ça ne marche pas. Elle fait des rapprochements avec le fonctionnement des volcans, avec la fusion et la fission nucléaire, avec le tournoiement des planètes. Avec l'explosion des baleines échouées. Il y a un rapport constant entre ce qui se passe à l'intérieur d'elle et ce qui se passe à l'extérieur, dans le monde, dans le cosmos.

 

Quand la science s'épuise, la poésie prend le relai, et la recherche du mot exact, pour au moins dire, à tout prix, exactement ce qu'elle ressent. Mais là aussi, le langage s'épuise, elle décortique les mots jusqu'à la racine, cherche d'autres langues, d'autres sens pour dire et comprendre. Elle interroge sa réalité, et comment elle peut rencontrer les réalités des autres. Quand son cerveau rencontre les limites de tout ce savoir, qui est un refuge sans être un remède, elle bascule vers d'autres dimensions où la Raison n'est plus seule maîtresse. Elle trouve de nouveaux chemins, devient magicienne, invoque des forces supérieures : tous les moyens sont bons pour sortir de cette solitude. Elle arrive alors à quelque chose d'impalpable, d'indicible. C'est là que naît la danse.

 

Du point de vue de la dramaturgie de la pièce, elle se déroule dans une journée, condensée en 50mn de spectacle : matin, midi, soir. On peut y lire aussi une métaphore de la Vie, naissance, maturité, mort (et renaissance).